Je m’appelle PATRICIA et je suis la maman d’Anthony qui va bientôt avoir 17 ans. Vous me direz qu’il n’y a rien d’anormal à cela et vous vous demandez peut-être ce que je viens faire ici ?
Alors je vais tout vous dire : Pour devenir ce grand jeune homme que vous voyez là, ça n’a pas été facile, il lui aura fallu beaucoup de courage et d’endurance, il lui aura fallu traverser de nombreuses épreuves toutes aussi éprouvantes les unes que les autres….
Anthony ( 2004 ) bientôt 17 ans
Un long chemin semé d’embûches….
En effet, Anthony est atteint d’une cardiopathie complexe, une atrésie pulmonaire à septum ouvert. C’est à la visite des 3 jours que le pédiatre découvre un souffle au coeur, , ensuite tout va très vite : -transféré directement à Nancy en réa, dans le service de cardiologie infantile, à l’époque dirigé par le Professeur PERNOT. Une petite parenthèse pour dire que ça aurait pu être détecté lors des échographies effectuées au cours de ma grossesse.
Après l’accouchement quand la sage-femme me met mon bébé dans les bras, je trouve qu’il est bleu, c’est la seule chose que je remarque : on me dit que c’est normal. Pendant les 3 premiers jours, avant la fameuse visite, on ne me le laisse presque pas, il est placé dans un genre de couveuse, sous des lampes parce que soi-disant il n’a pas une bonne température, il n’arrive pas à se réchauffer, d’où son teint bleuté.
Là encore on me dit que tout est normal et qu’il ne faut pas que je m’inquiète. Il paraît que ça arrive parfois quand les bébés naissent avec un peu d’avance (il est né avec 3 semaines d’avance) et aussi quand ils ne sont pas très gros (il pèse 2kgs520). Donc je ne m’inquiète pas plus que ça, je suis tellement heureuse d’avoir mon bébé. J’avais déjà un petit garçon de 6 ans qui était en pleine santé, alors pourquoi j’aurais imaginé le pire et il est vrai qu’il y a quelques années il n’existait pas toute l’information d’aujourd’hui, ni même le net ou les livres spécialisés alors j’étais loin de réaliser ce qui pourrait arriver. Je crois aussi que lorsqu’on n’a jamais été confronté à la maladie on ne cherche pas midi à quatorze heures.
Aujourd’hui je veux toujours savoir le pourquoi du comment des choses, je dois même passer pour quelqu’un de « chiant » aux yeux des médecins, mais je m’en fiche complètement, maintenant il est hors de question que je ne sache pas…
Donc Anthony est en réa, il a 3 jours et voici mot pour mot ce qu’a dit le médecin, Madame Anne-Marie WORMS :
« -La cardiopathie dont est atteint votre fils est MALHEUREUSEMENT une cardiopathie complexe »
C’est le mot « malheureusement » qui fait mal.
Ensuite le médecin m’explique ce qu’il en est exactement :
« -Il s’agit d’une atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire, l’aorte étant à cheval au-dessus de la CIV ( communication interventriculaire ) .
L’atrésie à un siège orificiel, sans Valve pulmonaire nettement individualisée. En revanche, il y a une bifurcation pulmonaire mais celle-ci est de toute petite taille, très peu développée, d’un diamètre de 3mm qui RENDRA VRAISEMBLABLEMENT EXTREMEMENT DIFFICILE, VOIRE IMPOSSIBLE, UNE REPARATION COMPLETE. »
Je vous avouerai que sur le moment, je n’ai absolument rien compris, je n’avais retenu que « malheureusement » ainsi que la dernière phrase.
J’avais seulement compris que c’était très grave et je n’avais qu’une seule question en tête :
MON FILS ALLAIT-IL VIVRE ? C’était tout ce qui m’importait, je ne pouvais pas penser à autre chose.
Anthony en réa
Je ne vous parlerai pas de mon état d’esprit, ni de l’état dans lequel je me trouve après cette terrible nouvelle, vous savez tous ce qu’il en est… C’est un drame, c’est le ciel qui vous tombe sur la tête, c’est une douleur indescriptible… Je me rappelle avoir eu envie de hurler, de hurler mon désespoir…
Enfin bref, elle m’explique encore qu’il faudrait réaliser une anastomose palliative en urgence, mais qu’il y a un risque de thrombose des ces anastomoses chez les petits nouveaux-nés et qu’il est préférable d’attendre, tant que la situation le permettra. La Saturation,se stabilise entre 65 et 70%, ce qui est acceptable.
(Elle me donne quand même des explications précises pour tous ces mots qui par la suite feront partie de mon vocabulaire mais qui à ce moment là sont totalement incompréhensibles.)
En plus il se pose un problème neurologique, car les médecins ont constaté à plusieurs reprises des pauses respiratoires et aussi que le bébé était en hypotonie et en hyporéactivité (il ne réagissait pratiquement pas aux stimulations). En gros là on me dit que le pronostic est très défavorable (c’est bien la seule chose que j’avais comprise) et que si l’indication d’une anastomose est finalement retenue, la correction complète reste très hypothétique et ne pourra être précisée qu’après un cathétérisme.
Après avoir accusé un peu le coup et repris mes esprits, je suis reçue par le Professeur PERNOT à qui j’ai demandé un RV car il faut que je sache exactement ce qu’il en est. Déjà il me dit que si mon fils était né une dizaine d’années auparavant, il n’aurait pas pu être sauvé mais qu’avec les progrès que la médecine avait faits il avait ses chances.
Pour moi ça ne veut rien dire, je ne veux pas de la chance, je veux que mon fils soit sauvé. Ce n’est pas difficile à comprendre, si on ne peut pas le sauver qu’on le laisse en paix.
Sur le moment j’ai très mal réagis, je veux bien que la médecine fasse des progrès mais je ne veux pas que mon fils serve de cobaye, je ne veux pas qu’il souffre inutilement. C’est tellement dur de le voir relié à des machines, branché de partout.
Pour moi s’il devait mourir, il fallait le laisser partir, surtout ne pas s’acharner. Dans ma tête, il était clair que si mon fils devait mourir il valait mieux que ce soit de suite plutôt que dans 6 mois, un an… ou le sauver mais à quel prix, avec quelles séquelles ? Je ne pensais pas être un monstre en disant cela, pourtant le professeur me l’a bien fait ressentir, pour lui il fallait tout tenter. OK, d’accord mais ce n’est pas lui qui est à ma place, lui il fait ce pourquoi il est convaincu, je comprends bien, mais moi j’avais mal, tellement mal et tout était embrouillé dans ma tête, je me demandais si tout cela était bien réel, où j’étais…
A ce moment-là je pense encore que j’ai eu une réaction normale de mère, même si je me rends compte aujourd’hui à quel point ils ont bien fait de tout tenter et à quel point ces médecins de l’impossible font un travail fantastique…mais d’un autre coté je m’aperçois que nous n’avons pas notre mot à dire, nous, les parents. Ils décident de ce qui est bien ou mal pour notre enfant, mais le savent-ils réellement, eux, ce qui peut être bien ou mal, ou est-ce une question de chance comme le dit le professeur !
Alors me voilà impuissante devant mon tout petit bébé, il faut lui laisser du temps pour grossir un peu, pour que l’anastomoses soit possible. Mais du temps en a-t-il réellement ? Va-t-il avoir la force de s’accrocher suffisamment ?...et moi vais-je tenir le coup ?
Et oui il s’accroche, il a du mal, mais il s’accroche. Plusieurs fois il est « rattrapé », mais il y arrive, jusqu’au jour où la situation se dégrade et qu’il est transféré à PARIS, à l’hôpital Bichat dans le service du Professeur LANGLOIS où sera pratiquée une anastomose palliative de type Blalock Deleval gauche avec un Gore-tex n°5 par thoracotomie latérale gauche.
On est le 31 août 1987, il est né le 28 juillet.
Il a à peine plus d’un mois, il pèse 3kgs200.
|
www.heartandcoeur.com Texte de Patricia - Graphisme et mise en page ©DAUMAL Christian© |